Les observations des planètes extrasolaires ont mis à jour l’existence d’une nouvelle classe de planètes géantes, dénommées « planètes riches en carbone ». Les planètes riches en carbone possèdent un rapport carbone sur oxygène (C/O) supérieur à 1, soit en moyenne le double de la valeur observée dans leur étoile parente. La mesure du rapport C/O est extrêmement difficile dans les planètes géantes du système solaire car l’eau, qui est la principale espèce comportant l’oxygène, se situe en profondeur, bien au dessous des couches atmosphériques accessibles aux moyens d’observations. Les données obtenues en 1995 par la sonde d’entrée atmosphérique Galileo ont permis de déterminer les abondances du carbone, de l’azote, du soufre, de l’argon, du krypton et du xénon. Ces abondances sont expliquées par les scénarios modernes retraçant la formation de Jupiter dans une nébuleuse primitive dont la phase gazeuse a une composition analogue à celle du Soleil. Il reste cependant une énigme, celle de l’abondance de l’oxygène mesurée par la sonde Galileo, trouvée extrêmement faible au regard de ce que prédisent les scénarios de formation. Jusqu’à présent, cette mesure a été attribuée au fait que la sonde est tombée dans une zone anticyclonique de l’atmosphère de Jupiter.
En allant à contre courant, Olivier Mousis et ses collègues ont émis l’hypothèse que la mesure de Galileo reflète, en grande partie, un réel appauvrissement en eau de Jupiter, ce qui aurait pour conséquence de lui attribuer les propriétés d’une planète riche en carbone. Ce phénomène pourrait avoir eu lieu si Jupiter s’est formée dans une zone de la nébuleuse également appauvrie en oxygène. L’équipe de chercheurs démontre alors que ce scénario permet d’expliquer les abondances des éléments mesurés par la sonde Galileo dans Jupiter de manière beaucoup plus satisfaisante que tous les scénarios de formation invoqués ces dernières années. Une observation clé permettant de tester l’hypothèse que Jupiter appartient à la famille des planètes riches en carbone sera la mesure de l’eau dans ses couches profondes. Cette observation constituera l’un des principaux objectifs de la sonde JUNO lancée par la NASA en août 2011 et devant arriver à Jupiter en juillet 2016.
Source :
O. Mousis, J. I. Lunine, N. Madhusudhan, T. V. Johnson, Nebular water depletion as the cause of Jupiter’s low oxygen abundance, The Astrophysical Journal Letters, sous presse.
Contact :
Olivier Mousis, Institut UTINAM
olivier.mousis chez obs-besancon.fr, tél. : 03 81 66 69 21