En plus d’être une année bissextile elle se verra allongée d’une seconde le 30 juin : la dernière minute de ce jour aura 61 secondes, une seconde étiquetée 23:59:60 seconde étant insérée entre 23:59:59 et 00:00:00 (ces heures s’entendent en temps universel UTC et donc c’est le 1er juillet, à deux heures du matin en France, que cet événement aura lieu).
Ces secondes sont insérées dans l’échelle de temps UTC (temps universel coordonné, qui sert de base au temps légal dans un très grand nombre de pays) depuis 1972 pour maintenir le temps d’origine atomique avec celui, beaucoup plus instable, défini par la rotation de la Terre. Elles permettent de bénéficier à la fois de la stabilité du temps atomique et de la synchronisation de ce temps avec l’orientation de la Terre, c’est à dire de s’assurer que le midi du temps d’origine atomique correspond au midi solaire au méridien d’origine, le méridien de Greenwich.
L’insertion de ces secondes intercalaires a des inconvénients, principalement parce qu’elles sont imprévisibles à long terme, étant tributaires du ralentissement de la rotation de la Terre due à la dissipation d’énergie par les effets de marée avec la Lune, de variations pseudo périodiques liées aux mouvements atmosphériques, aux variations saisonnières des calottes glaciaires, aux mouvements du coeur interne, voire, bien que marginalement, aux séismes.
Elles rendent UTC "non uniforme", c’est à dire que les minutes de cette échelle de temps n’ont pas toutes la même durée, certaines durent 61 secondes, certaines pourraient durer 59 secondes seulement. Cela complique le calcul d’intervalles de temps sur de longues durées dès que l’on veut une précision meilleure que la seconde.
La rareté relative de ces événements (c’est seulement la troisième seconde intercalaire depuis 1999, après décembre 2005 et décembre 2008) fait que le problème de leur implémentation, notamment dans les systèmes de traitement de l’information, n’a jamais été résolu de manière satisfaisante et standard, même s’il n’y a pas d’évidence de l’impact que pourrait avoir une erreur d’une seconde sur un système de navigation aérienne ou un autre système sensible. De fait depuis 1972 et l’introduction de 24 secondes intercalaires, aucun incident sérieux n’a été constaté.
En 1999, ces inconvénients ont contribué à ouvrir une réflexion concernant l’abolition de ces secondes intercalaires sans qu’un consensus puisse être trouvé après 13 ans. Une phase du processus s’est achevé ce jeudi 19 janvier 2012 à Genève : l’assemblée générale de l’ITU (international télécommunications union, une émanation de l’ONU) était réunie à Genève pour éventuellement voter une résolution dont la principale disposition serait la suppression des secondes intercalaires mais dont la plus spectaculaire conséquence serait, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité de découpler totalement l’heure des mouvements célestes. La détermination de l’heure deviendrait purement artificielle, liée aux horloges atomiques.
Les conséquences pratiques sont limitées pour le grand public, (l’écart atteindrait une heure dans environ 500 ans) mais une des conséquences est que l’échelle de temps GMT, qui sert encore de référence légale par exemple en Grande-Bretagne, commencerait à dériver significativement de l’échelle UTC sans secondes intercalaires. Le méridien de référence pour le temps commencerait à dériver... Le Royaume-Uni est assez logiquement l’opposant le plus significatif à cette résolution.
Et il y a sans doute un nombre conséquent de textes de loi qui sont concernés un peu partout dans le monde.
Avant la réunion une majorité de pays s’étaient positionnés pour la suppression des secondes intercalaires et le vote s’annonçait sans grande surprise, malgré l’absence de consensus. Dans les derniers jours le revirement de l’Allemagne, d’abord favorable à la suppression mais qui semble avoir pris conscience que le texte de la résolution soumise au vote allait engendrer pas mal d’incohérence de contradictions et d’ambiguïté dans les conventions et définitions existantes a peut-être eu un poids suffisant pour que l’assemblée décide de surseoir à la décision, en demandant plus d’informations.
Les secondes intercalaires sont en sursis jusqu’en 2015 lors de la prochaine réunion de la World Radiocommunication Conference.
Ce n’est qu’un sursis, le principe de l’abolition semble acquis. Ces 3 années devraient être mis à profit pour ajuster les modalités de la résolution et en limiter les conséquences néfastes.
Rendez-vous dans 3 ans (plus deux ou trois secondes intercalaires).
Contact :
François Meyer
Institut UTINAM
Observatoire de Besançon
Tél. (0033/0) 3 81 66 69 27
Francois.Meyer chez obs-besancon.fr